Les relations entre le Sénégal et la France occupent une place singulière dans l’espace francophone et plus largement dans l’histoire des rapports entre l’Afrique et l’Europe. Héritage d’un passé colonial complexe, elles ont longtemps reposé sur une coopération dense mais souvent perçue comme déséquilibrée. Aujourd’hui, à l’heure où le continent africain affirme de plus en plus sa souveraineté politique et économique, ce lien historique entre Dakar et Paris entre dans une nouvelle phase. La récente visite du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye à Paris, en août 2025, illustre cette volonté partagée de refonder la relation, non plus sur la dépendance et l’assistance, mais sur un partenariat équitable et tourné vers l’avenir.
Depuis l’indépendance en 1960, la France a joué un rôle déterminant dans l’évolution du Sénégal, à travers des investissements dans les infrastructures, l’éducation, la santé et la sécurité. Pourtant, ce lien a souvent été interprété comme vertical, au bénéfice de l’ancienne puissance coloniale. Les débats récurrents sur le franc CFA, la présence militaire française à Dakar, ou encore la dépendance commerciale ont progressivement alimenté une volonté d’émancipation nationale.
C’est dans ce contexte qu’a émergé le Président Bassirou Diomaye Faye, élu en 2024 sur un discours de rupture, de souveraineté et de dignité africaine. Pour le nouveau président sénégalais, il ne s’agit pas de rompre avec la France mais de redéfinir les règles d’une relation qui tienne compte des aspirations de son peuple et des transformations profondes du monde.
La visite du chef de l’État sénégalais à Paris, fin août 2025, a marqué un moment charnière. Accueilli à l’Élysée par Emmanuel Macron, Bassirou Diomaye Faye a également été l’invité d’honneur de la Rencontre des Entrepreneurs de France (REF), organisée par le MEDEF. Ce double cadre – politique et économique – illustre la volonté de replacer la coopération franco-sénégalaise sur de nouvelles bases.
Lors de ses interventions, le président Faye a présenté la vision Sénégal 2050, un projet ambitieux qui vise à transformer le pays en pôle économique ouest-africain, s’appuyant sur ses ressources énergétiques (pétrole, gaz, solaire), sur une jeunesse nombreuse et dynamique, ainsi que sur un environnement politique stabilisé. Devant les entrepreneurs français, il a lancé un message clair : il est temps de « passer d’une logique d’assistance à un véritable partenariat d’égal à égal ».
La France reste un partenaire économique majeur du Sénégal, avec plus de 270 entreprises implantées et près de 31 000 emplois créés, dont la grande majorité au profit de Sénégalais. Elle représente également 16 % des investissements directs étrangers dans le pays. Cependant, la compétition est désormais vive : la Chine, la Turquie et les pays du Golfe s’imposent de plus en plus sur le marché sénégalais. Dakar entend tirer parti de cette rivalité pour attirer davantage d’investissements, mais selon ses propres priorités : emploi des jeunes, modernisation de l’agriculture, infrastructures, numérique et transition énergétique.
La présence militaire française, longtemps contestée, est en pleine mutation. Paris a annoncé la fin de sa base permanente au Sénégal, privilégiant une coopération axée sur la formation, le renseignement et le soutien logistique. Cette évolution correspond à la ligne défendue par Le Président Bassirou Diomaye Faye, qui veut renforcer l’autonomie sécuritaire du Sénégal tout en préservant des alliances stratégiques.
Un moment fort de la visite a été la reconnaissance par Emmanuel Macron du massacre de Thiaroye (1944) comme un « crime de guerre ». Cette déclaration, attendue depuis des décennies, constitue une avancée majeure dans le travail de mémoire entre les deux pays. Pour le président sénégalais, ce geste symbolise une volonté de tourner la page d’un passé douloureux pour bâtir des relations apaisées et respectueuses.
Le Sénégal est aujourd’hui le deuxième pays africain en nombre d’étudiants en France, après le Maroc. Ce dynamisme nourrit un lien humain et culturel fort que les deux gouvernements souhaitent renforcer, à travers de nouveaux programmes de bourses, d’échanges universitaires et le développement de campus franco-sénégalais. Toutefois, Dakar insiste également sur la promotion des langues nationales et sur une coopération culturelle plus inclusive, respectueuse des identités africaines et ouverte au monde.
Avec une croissance record de 12,1 % au premier trimestre 2025, portée par l’exploitation de ses ressources pétrolières et gazières, le Sénégal veut éviter le piège de la dépendance aux hydrocarbures. Le chef de l’Etat Bassirou Diomaye Faye appelle ses partenaires, et notamment la France, à investir massivement dans le solaire, l’éolien et l’adaptation au changement climatique. Cette convergence autour de l’énergie et du climat pourrait devenir l’un des piliers du partenariat franco-sénégalais de demain.
Pour traduire ces engagements en actes, un séminaire intergouvernemental est prévu en septembre 2025 à Dakar. Il devra permettre de concrétiser les promesses de Paris : investissements ciblés, coopération éducative, initiatives culturelles, redéfinition de l’appui militaire et projets communs dans la transition énergétique.
La visite du Président Bassirou Diomaye Faye en France marque un tournant majeur. Elle symbolise la volonté du Sénégal de s’affirmer comme une puissance régionale, souveraine et ouverte, et celle de la France d’adapter sa politique africaine à une nouvelle ère postcoloniale. Si les engagements pris sont effectivement mis en œuvre, Dakar et Paris pourraient ouvrir la voie à un modèle inédit de coopération, fondé non plus sur le poids du passé mais sur la réciprocité, la confiance et une vision partagée de l’avenir.