Dans un contexte ouest-africain marqué par la montée des inégalités, la précarité du travail et la vulnérabilité des populations face aux crises économiques, climatiques et sanitaires, la protection sociale s’impose désormais comme un enjeu central de gouvernance. Longtemps considérée comme un simple instrument d’assistance, elle tend aujourd’hui à devenir un véritable levier de justice sociale, d’inclusion et de cohésion nationale.

Depuis une décennie, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont entrepris de réformer leurs systèmes sociaux pour mieux répondre aux besoins des plus démunis. Le Sénégal, à travers la Bourse de Sécurité Familiale et les bourses de solidarité nationale, le Niger avec ses filets sociaux productifs, ou encore le Burkina Faso avec ses transferts monétaires conditionnels, incarnent cette dynamique régionale de transformation.

Ces dispositifs, soutenus par les partenaires techniques et financiers, visent à réduire la pauvreté extrême tout en améliorant la résilience des ménages face aux chocs économiques et environnementaux. En 2024, plus de 15 millions de personnes dans la région ont bénéficié directement ou indirectement d’un programme de protection sociale, selon les estimations de la Banque mondiale et de la CEDEAO.

L’évolution de la protection sociale en Afrique de l’Ouest traduit un changement de paradigme : il ne s’agit plus seulement de distribuer des aides ponctuelles, mais de construire un système solidaire et durable, fondé sur les droits et la dignité humaine.

Les nouvelles politiques s’appuient sur une vision inclusive où chaque citoyen, qu’il soit salarié, travailleur informel ou agriculteur, doit bénéficier d’une forme de couverture sociale. C’est un défi majeur, puisque plus de 80 % des travailleurs de la région évoluent dans l’informel, sans accès à l’assurance maladie ni à la retraite.

Pour combler ce fossé, plusieurs gouvernements expérimentent des modèles hybrides : cotisations flexibles, mutuelles communautaires, intégration progressive du secteur informel dans les dispositifs contributifs. Cette orientation traduit la volonté de bâtir une solidarité ancrée dans les réalités africaines, et non calquée sur des modèles extérieurs.

Mais la question de l’inclusion va au-delà des chiffres. Elle renvoie à la gouvernance et à l’équité dans la gestion des aides sociales. Trop souvent, les programmes souffrent d’un ciblage approximatif, d’un manque de coordination entre structures et parfois d’une politisation de la solidarité.

Le Sénégal, à travers la Délégation Générale à la Protection Sociale et à la Solidarité Nationale (DGPSN), tente d’apporter une réponse structurelle à ce défi. En harmonisant les dispositifs et en modernisant le Registre National Unique, la DGPSN vise à assurer une meilleure transparence et une distribution plus équitable des aides. La digitalisation et la traçabilité des transferts sociaux constituent aujourd’hui des leviers essentiels pour garantir la confiance et l’efficacité.

 

La protection sociale ne peut se penser à l’échelle d’un seul pays. Les défis de la pauvreté, du chômage ou de la vulnérabilité sont transnationaux. Face à cela, la CEDEAO et l’Union africaine encouragent la mise en place de cadres régionaux de solidarité. L’idée est de favoriser une convergence des politiques sociales, afin d’assurer une protection minimale pour tous les citoyens ouest-africains, indépendamment de leurs frontières nationales.

Cette vision d’une solidarité régionale repose aussi sur la valorisation des pratiques communautaires traditionnelles : tontines, entraide villageoise, solidarité religieuse ou familiale. Ces mécanismes locaux, loin d’être dépassés, constituent une base solide pour l’édification d’un modèle africain de protection sociale, à la fois moderne et enraciné dans les valeurs culturelles.

La protection sociale, dans sa nouvelle conception, représente plus qu’une simple politique publique : c’est un projet de société. Elle traduit la volonté des États d’Afrique de l’Ouest de rompre avec la pauvreté héréditaire, de réduire les écarts de richesse et de garantir à chaque citoyen une place digne dans la communauté nationale.

Pour y parvenir, il faut investir durablement dans les systèmes sociaux, renforcer la coopération régionale et mettre la solidarité au cœur du développement. C’est à ce prix que l’Afrique de l’Ouest pourra concrétiser son ambition d’une solidarité inclusive et équitable — une solidarité qui ne se limite pas à secourir, mais qui émancipe.

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