L’environnement au Sénégal est aujourd’hui au cœur de nombreuses préoccupations. Longtemps considéré comme un patrimoine naturel riche et diversifié, il subit désormais les effets combinés de la pression humaine, du changement climatique et d’un développement économique peu soucieux de la durabilité. Des forêts du sud aux côtes de l’Atlantique, des zones sahéliennes du nord aux mangroves du delta du Saloum, les signes de dégradation sont visibles, inquiétants, et souvent irréversibles.

La déforestation constitue l’une des principales menaces pour les écosystèmes sénégalais. Chaque année, le pays perd environ 40 000 hectares de forêts, soit près de 110 hectares par jour. Cette disparition s’explique par plusieurs facteurs : d’une part, l’exploitation abusive du bois, notamment le bois de vène dans les régions de Kolda, Sédhiou ou Tambacounda, destiné principalement à l’exportation vers l’Asie ; d’autre part, la forte dépendance des populations au bois de chauffe et au charbon pour leurs besoins domestiques. Environ 70 % des ménages utilisent encore ces sources d’énergie. À cela s’ajoutent le surpâturage, les feux de brousse et l’extension agricole, stimulés par une croissance démographique rapide  près de 2,9 % par an.

Dans les zones urbaines, un autre phénomène préoccupant prend de l’ampleur : la pollution liée aux déchets solides et liquides. Dakar, la capitale, produit environ 1 200 tonnes de déchets par jour, dont seule une fraction est convenablement collectée. Les décharges sauvages se multiplient, les déchets plastiques envahissent les rues et les marchés, tandis que des tonnes de matières plastiques sont déversées chaque année dans l’océan Atlantique, menaçant la biodiversité marine. Pourtant, une loi interdisant les sachets plastiques a été adoptée en 2015. Mais faute de moyens de contrôle et d’alternatives viables pour les commerçants et les consommateurs, cette loi est largement contournée.

Le Sénégal est également l’un des pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Depuis les années 1970, les précipitations annuelles ont chuté de 15 à 30 % dans certaines régions, rendant l’agriculture plus incertaine et plus risquée. Les cycles des saisons deviennent imprévisibles, affectant à la fois les cultures et l’élevage. Dans le nord du pays, notamment dans la région du Ferlo, la désertification avance, réduisant l’accès aux pâturages et aux points d’eau. Par ailleurs, l’érosion côtière affecte plus de 60 % du littoral sénégalais. À Saint-Louis, ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la Langue de Barbarie recule chaque année, emportant avec elle maisons, écoles et lieux de culte. Entre 2003 et 2023, près de 800 logements y ont été engloutis par la mer.

Cette dégradation de l’environnement a un coût économique considérable. Selon une étude conjointe de la Banque mondiale et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), elle représenterait chaque année plus de 5 % du produit intérieur brut du pays, soit près de 900 milliards de francs CFA. Ce chiffre, en hausse constante, démontre à quel point les enjeux environnementaux sont liés à la santé, à la sécurité alimentaire et à la stabilité sociale.

Sur le plan de la biodiversité, le constat est également alarmant. Le Sénégal abrite environ 6 000 espèces végétales, 550 espèces d’oiseaux et plusieurs espèces animales rares ou menacées. Le parc national du Niokolo-Koba, qui couvre près de 900 000 hectares, est l’un des plus importants d’Afrique de l’Ouest. Il abrite les derniers lions du pays (moins de 50 selon les dernières estimations), ainsi que des hippopotames, éléphants, antilopes, léopards et chimpanzés. Mais ce sanctuaire est lui aussi menacé par le braconnage, l’exploitation de l’or dans ses environs, et la baisse des ressources en eau.

Face à ces défis, les réponses du gouvernement sénégalais ont été multiples, bien que souvent limitées par le manque de moyens et la faiblesse de la coordination institutionnelle. Des programmes spécifiques comme la Grande Muraille Verte visant à reboiser 545 000 hectares d’ici 2030 ou le Plan Zéro Déchet lancé à Dakar en 2019 témoignent d’une volonté politique de changement. Toutefois, les ressources allouées à ces politiques restent faibles : le ministère de l’Environnement ne bénéficie que de moins de 1 % du budget national.

La société civile, les ONG, les chercheurs et les communautés locales prennent souvent le relais. À Toubacouta, des femmes organisées en groupements restaurent les mangroves en replantant des milliers de palétuviers. À Rufisque, des écoles mettent en place des clubs verts pour sensibiliser les jeunes. À Thiès, des coopératives recyclent les plastiques pour fabriquer des pavés ou des matériaux de construction.

En définitive, l’environnement au Sénégal est à la croisée des chemins. Soit le pays parvient à inverser la tendance, en misant sur une transition écologique juste, participative et ambitieuse ; soit il subira, dans les années à venir, les conséquences irréversibles d’une dégradation généralisée. L’enjeu est crucial : il ne s’agit pas seulement de sauver la nature, mais de préserver les conditions mêmes de la vie humaine, de la paix sociale, et d’un développement équitable et durable.

 

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