Quelle culture pour ce troisième millénaire ?
La culture, en ce début du troisième millénaire, c’est celle d’un monde qui soudainement apparaît «clos» comme «fermé», un monde où l’éventualité l’auto anéantissement de l’espèce humaine croit de jour en jour, un monde dans lequel le modèle occidental de croissance entend s’imposer à tous et avec force à travers le concept de « mondialisation », sans être, à lui seul, en mesure d’éviter les dangers latents de la technologie moderne, celle-ci, en effet, n’arrête pas la pollution qui ne cesse de détruire la nature et l’environnement. C’est bien aussi ce modèle là de libéralisme aveugle, sans foi ni loi, qui maintient 80% de la population mondiale dans la misère et la marginalisation.
Malgré tout, ce modèle compte de nombreux défenseurs ultralibéraux à travers notamment l’Europe et les Etats – Unies, parmi lesquels, vous en souvenez-vous, un certain Franck Fukuyama qui a même parlé à l’occasion de « Fin de l’histoire ».
Quelle « Fin de l’histoire »?
Suite aux grands bouleversements politiques et économiques intervenus à la fin des années 80 dans diverses parties du monde ? Le théoricien américain d’origine japonaise, F. Fukuyama lança alors sa célèbre théorie de « Fin de l’histoire » essentiellement basée sur la fin de l’antagonisme entre les deux grandes puissances, les Etats-Unis et l’Union Soviétique de l’époque, marquant ainsi la victoire de l’école libérale sur le modèle communiste.
C’est pourquoi, Fukuyama met particulièrement en exergue l’exemple de l’Union Soviétique qui avait fini par troquer le communisme contre l’économie de marché.
Fukuyama évoque également pour justifier sa thèse le miraculeux décollage économique des « tigres asiatique » qui ont adopté le modèle suivant les recettes de FMI et de la Banque Mondiale. A l’en croire, l’histoire ne saurait être le produit du hasard ou une simple juxtaposition de conjoncture ; elle suivrait au contraire un certain ordre suprême qui déterminerait son objectif. Et pour Fukuyama, c’est le modèle occidental du libéralisme qui constitue présentement l’aboutissement incontestable de cet ordre suprême.
Mais, il convient d’abord de rendre à césar, comme on dit, puisque c’est bien le philosophe Allemand Hegel qui avait été le premier à parler de la « Fin de l’histoire». Hegel considérait, en effet, que l’histoire est le produit d’une série de contradictions qui finissent toujours par générer un ordre Nouveau, celui-ci devient à son tour l’objet de contradictions ; la fin de l’histoire, à son sens, coïnciderait avec l’établissement d’un gouvernement constitutionnel.
Karl MAX qui s’est beaucoup inspiré de cette philosophie de Hegel va cependant inverser le schéma dans un concept dialectique qui appréhende l’histoire à travers plusieurs grandes étapes appelées « cycles » et devant immanquablement aboutir à la dictature du prolétariat. Ici, les conflits, les luttes de classe ou même les guerres proprement dites, ne sont compris que comme des phases provisoires permettant de dépasser les contradictions.
On est alors en plein dans le fameux « matérialisme historique » qui voyait dans le capitalisme la dernière étape venant avec germes de sa propre autodestruction.
Autrement dit, le capitalisme une fois arrivé à sa maturité, devait disparaitre de lui-même pour ouvrir la voie au socialisme puis au communisme qui marque à son tour « la fin de l’histoire ».
On remarquera que dans l’un et l’autre cas, l’idée de totalité » conserve toujours son caractère opératoire dans le sens absolu du terme.
Il convient également de souligner que le principe de contradiction en tant que tel n’est pas une invention de Hegel ou de Max encore moins de Fukuyama. On le retrouve bel et bien dans tous les livres Saints (même s’il n’est pas formulé de la même manière) du judaïsme, du christianisme et de l’Islam ainsi que dans de nombreux livres anciens de la chine à la perse antique en passant par les Indes.
Déjà, plus de deux mille ans avant l’ère Chrétienne, le Taoïsme chinois (qui a beaucoup inspiré Mao Tsé –Toung dans son travail de réadaptation des schémas communistes aux réalités chinoises) enseignait que la contradiction ne se résout pas à une harmonie mais par une autre contradiction ; ce qui signifie en politique qu’une politique n’est jamais réalisée une fois pour toute, elle ne saurait par conséquent être une conquête définitive mais permanente. Elle pourrait donc, à tout moment, se transformer en son contraire.
C’est dire combien nos devanciers philosophes et autres théologiens sont encore en avance sur nous, pour avoir surtout compris qu’à chaque fois que le rideau se baisse sur une dialectique ancienne, il cède la place à une nouvelle. Et celle-ci, contrairement à ce que pensaient les marxistes, n’est pas forcément la meilleure, surtout, lorsque les hommes qui doivent agir en tant qu’acteurs historiques se retrouvent emprisonnés dans des concepts réducteurs qui appréhendent le monde non pas dans l’unité du sens humain mais uniquement dans la multiplicité contradictoires des intérêts égoïstes et personnels. Or, dans ceux-ci, la volonté de puissance devient l’unique ressort fondamental. De sorte que le modèle occidental de libéralisme qui se veut « meilleur » en ce début du millénaire est celui-là même qui a généralisé la paupérisation et la marginalisation de plus de 80% de la population mondiale au profit de 20% qui s’approprient la plus grandes part des ressources mondiales, pendant ce temps, l’humanité a acquis à moins d’un siècle plus de technologies que durant toute son histoire. Des technologies dont l’impact ne se cantonne plus à un « espace propre » qui se trouverait à mi-chemin entre l’infiniment petit et l’infiniment grand. Autrement dit, il est devenu possible à la technologie d’introduire des modifications dans l’infiniment petit pour influencer l’infiniment grand.
Nécessité de dépassement
En réalité le Bipolarisme n’a pas complètement disparu puisqu’un pôle opposé à un libéralisme inhumain a déjà pris naissance depuis lors ; ce qui a disparu, c’est plutôt le Bipolarisme fondé sur deux légitimités contradictoires. Quant à l’idée qui voudrait que la mondialisation efface les identités culturelles, c’est un leurre essentiellement entretenu en occident. N’assistons-nous pas à des irrédentismes identitaires presque partout dans le monde et sous des formes différentes ? C’est dire que le concept de mondialisation tel qu’il est jusqu’ici véhiculé est dans une large mesure mensonger parce qu’il ne favorise pas une véritable fonction entre les peuples et les cultures autour des valeurs communes fondamentales et pour un enrichissement mutuel. Autrement dit, seule une troisième voie digne de ce nom serait en mesure de surmonter, et doit répondre donc à une exigence de dépassement. C’est ce que l’on qualifie de jeu à somme positive qui permet à toutes les parties de gagner, et non pas de jeu avec des perdants et des gagnants ou encore à un jeu à somme négative ou toutes les parties sont perdantes, comme cela déroule présentement sous nos yeux.