Chaque année, des millions d’hectares partent en fumée, déstabilisant les écosystèmes, appauvrissant les sols et fragilisant les communautés rurales. Derrière les flammes, un enjeu écologique, sanitaire et économique majeur que le continent peine encore à maîtriser.

Les feux de brousse, autrefois considérés comme un phénomène presque naturel et cyclique, se sont transformés en l’un des défis les plus préoccupants du continent africain. Plus de 70 % des surfaces brûlées dans le monde se situent en Afrique, soit plus de 500 millions d’hectares ravagés chaque année. Au Sahel comme en Afrique australe, au cœur des savanes d’Afrique centrale comme dans les zones pastorales du Sénégal ou du Mali, le feu façonne les paysages, bouleverse les modes de vie et met en péril l’équilibre écologique.

La saison sèche, avec la baisse de l’humidité et la fragilisation de la végétation, accélère la propagation des incendies, qui trouvent souvent leur origine dans les activités humaines. Dans les campagnes, le feu reste un outil traditionnel pour nettoyer les champs, renouveler les pâturages ou faciliter la chasse. Mais plus de 80 % de ces feux échappent au contrôle de leurs initiateurs, se transformant en incendies incontrôlés qui détruisent tout sur leur passage. La combinaison du changement climatique, de la pression humaine sur les terres et d’une gestion insuffisante des brûlis rend le phénomène encore plus difficile à contenir.

Les conséquences sont multiples et profondes. Sur le plan écologique, les feux détruisent des habitats naturels essentiels, provoquent des migrations animales forcées et accélèrent la dégradation des sols. À force de brûler la matière organique, les terres s’appauvrissent, deviennent plus vulnérables à l’érosion et contribuent à l’avancée du désert, particulièrement dans le Sahel. Sur le plan humain, les impacts sont tout aussi alarmants : la fumée issue des incendies, chargée de particules fines, expose des millions de personnes à des risques sanitaires élevés. L’OMS estime que plus de 350 000 décès prématurés par an dans le monde sont liés à l’exposition aux fumées des feux de végétation, une réalité qui frappe de plein fouet l’Afrique subsaharienne.

Au niveau économique, les pertes sont colossales. Entre cultures détruites, pâturages brûlés, baisse de productivité agricole et coûts liés à la gestion des crises, les pays africains perdent chaque année plus de 8 milliards de dollars selon la Banque africaine de développement. Dans les régions pastorales, un incendie peut anéantir jusqu’à 40 % des ressources fourragères d’une saison, menaçant directement la survie du bétail et la sécurité alimentaire des ménages.

Face à ces défis, la prévention apparaît comme la clé. Si quelques pays commencent à mettre en place des systèmes de surveillance satellitaire, des brigades communautaires ou des campagnes de sensibilisation, les efforts restent encore inégaux et insuffisants. Pourtant, des expériences réussies en Afrique australe montrent qu’une gestion encadrée et participative du feu peut réduire de près de 30 % les surfaces brûlées en dix ans. L’implication des populations locales, l’adoption de pratiques agricoles alternatives au brûlis et le renforcement des législations sur l’usage du feu apparaissent comme des leviers indispensables.

Les feux de brousse ne sont donc pas seulement un enjeu environnemental ; ils constituent une menace stratégique qui touche à la santé, à l’économie et à la stabilité alimentaire du continent. À l’heure où l’Afrique fait face à des défis climatiques et démographiques de grande ampleur, maîtriser le feu et apprendre à prévenir les incendies devient une urgence absolue. Car derrière chaque hectare préservé se cache un avenir plus sûr pour les communautés, les écosystèmes et les générations à venir.

 

 

 

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