Un livre est paru ces derniers années sous le titre «la pauvreté, la richesse des peuples » écrit par M. Albert Tévoedjre qui fut Directeur Général du BIT (bureau international du travail). Mais aussi provocateur qu’il fut dans le contexte déjà de l’époque, l’ouvrage n’en demeurait pas moins un essai de vérités simples sur les attitudes et les options qui ont entrainé le continent africain dans les impasses du mal-développement. Il s’agissait aussi pour l’auteur, d’une réflexion sur les alternatives politiques, économiques et socioculturelles qui, selon lui, renfermaient pour l’Afrique les chances du présent et les espoirs du futur. Les réalités qui inspirent alors Mr Tévoedjre dans cette descente au fond de nous-mêmes sont plus vraies, encore aujourd’hui que jamais, provoquant notre conscience et défiant notre intelligence. L’Afrique, on ne le dira jamais assez, présente le spectacle d’un monstre handicape par les atrophies ici, des hypertrophies çà et là, celui d’un continent en fait qui va mal parce que simplement, il n’a pas su maitriser son devenir : parce qu’il n’a pas su accorder le rythme et le style de son développement avec les contraintes et les exigences de ses propres réalités. Il a investi ses énergies et ses moyens dans les rouages d’un changement qui, finalement, a débouché sur l’exacerbation de contradictions et des incohérences qui le sous-tendent. Comment est-il possible dans les pays dont les économies sont essentiellement agricoles, n’arrive pas à nourrir leurs populations. Pendant des décennies après les indépendances, les pays africains, aveugles par les modèles miroitants de l’occident, ont sacrifié leurs chances aux exigences d’une économie extravertie qui perpétue le système d’exploitation des zones rurales au bénéfice des communautés urbaines et des consommateurs du nord. La croyance a un progrès, qui se définit et se mesure par le degré d’accumulation des richesses matérielles, les a portés à hypothéquer l’avenir de leurs peuples sur l’autel des promesses vides d’un commerce international fondé sur le principe de l’asservissement des plus faibles et qui les enferment dans les conditions précaires de producteurs de matières à bon marché. Les efforts d’investissement dans le domaine agricole ont été orientés jusque-là vers l’obtention de meilleurs rendements des cultures de rente destinées à l’exploitation incitant ainsi les paysans à se détourner de la production vivrière qui assurait leurs subsistances. Comment expliquer que ces pays dont la majeure partie des populations vivent dans les zones rurales, pratique une politique économique et sociale qui privilègie le milieu urbain en condamnant les campagnes au dépérissement ? La ville qui est le lieu de concentration des infrastructures du progrès incarne toutes les potentialités du futur, tandis que le milieu rural exploite, sous-estime, méprise, déshonore ce vide de sa jeunesse et de sa vitalité. Des sites champignons, symboles d’une humanité diminuée, humiliée, négligée, poussent aux frontières de nos villes qui n’en finissent pas d’éclater. Comment comprendre enfin que les gouvernements africains qui n’arrivent pas à maitriser les problèmes de survie de leurs populations peuvent-ils éprouver le besoin de prendre part à cette célébration de l’inconscience universelle qu’est la course aux armements. C’était là l’esquisse des grands problèmes qui menacent encore aujourd’hui l’existence même les populations de tout un continent. Et tout cela est coiffé d’un mimétisme qui sape les fondements de nos sociétés et compromet leurs capacités d’inventer leur propre changement. Ce sont toutes ces questions, entre autres, qui se posent encore aujourd’hui avec plus de gravite.
Il faut réinventer l’économie ! Les plus africains doivent établir des objectifs prioritaires de leur développement sur la base des besoins, des problèmes et des attentes qui s’expriment au sein de leurs populations. Cette réinvention de l’économie implique une action soutenue, une éducation intelligente pour une maitrise des technologies endogènes retrouvées et enrichies grâce à la démocratisation de la science, le développement d’une identité culturelle plus intensément vécue.