Voyage au cœur du Musée des civilisations Noires

Un espace chargé d’histoires et de sentiments

Le Musée des civilisations noires, est un musée d’État, situé à Dakar (Sénégal), inauguré le 6 décembre 2018. Dirigé par Hamady Bocoum, archéologue et chercheur à l’université Cheikh-Anta-Diop, le musée a été conçu dans l’objectif de mettre en exergue « la contribution de l’Afrique au patrimoine mondial culturel et scientifique ». Selon M. Bocoum. Ce haut lieu culturel unique en son genre au Sénégal voire en Afrique étale toute sa beauté et sa grandeur.

Sept ans après la pose de la première pierre, le Musée des civilisations noires (MCN) a finalement été inauguré le 6 décembre 2018. Ce haut lieu de l’art propose un voyage à travers plusieurs siècles d’histoire. En d’autres termes, le musée revisite l’histoire avec pour finalité de démontrer ô combien l’Afrique a créé et a compté dans le patrimoine universel. « Ce musée ne ressemble à aucun autre, car il ne sera pas un musée de l’Afrique subalterne », a déclaré Hamady Bocoum. « Il est la preuve que l’homme africain est bien entré dans l’Histoire », s’est-il exclamé, faisant référence à la phrase polémique prononcée par Nicolas Sarkozy en 2009 à Dakar. Plus qu’un espace de réconciliation et de dialogue, l’infrastructure, pour le moins inédit en Afrique de l’Ouest, se veut en effet un lieu résolument contemporain et tourné vers l’avenir. Pour Hamady Bocoum, il est fondamental que les œuvres exposées au MCN illustrent à la fois le passé et le présent des civilisations noires. « On refuse d’être un musée de la nostalgie », a affirmé le directeur du musée, chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et archéologue de formation.

Composition

Sur ses 14 000 mètres carrés, le Musée des civilisations noires (MCN) est un haut lieu chargé d’histoires et de sentiments. Ici, chaque objet ou groupe d’objets peut donner idée à des expositions ou des thématiques à débattre. Le musée présente à ses premiers visiteurs une exposition temporaire sous forme de parcours chronologique et intitulée « Civilisations africaines : création continue de l’humanité ». A droite de l’esplanade qui accueille le visiteur, on découvre la reconstitution des cercles mégalithiques de Sine Ngayène dans le Saloum. A l’intérieur, le spectacle est tout aussi captivant. Ici, deux statues couvertes de cauris affectent le frisson au visiteur. Une sculpture grandeur-nature en forme de baobab (12 mètres et 22 tonnes) réalisée et offerte par l’artiste haïtien Edouard Duval étale toute sa beauté. Autour d’elle, des objets et des outils découverts il y a plusieurs millions d’années au Tchad ou en Éthiopie, manifestent ô combien l’Afrique a contribué au patrimoine culturel et scientifique du monde. Toujours au rez-de-chaussée, des combattants de la cause du peuple noir, Sankara, Dubois, Garvey, Nkrumah, Mandela…, s’y invitent. Les portraits de ces grands hommes qui se sont illustrés durant leurs vies bordent un des couloirs lumineux de cette partie de l’infrastructure. Le visiteur constate la présence de crânes, d’outils en pierre, de peintures, sculptures et autres masques. Au deuxième étage de l’édifice, se trouve les objets qui attirent le plus les visiteurs au Musée des civilisations noires : le sabre d’El Hadj Omar Tall (un des objets restitués par la France), la plus grande attraction ; le coran écrit en main par son fils Ahmadou ; le bonnet carré et les babouches de Serigne Babacar Sy. « Le sabre d’El Hadj Omar aux côtés de statuettes alors que son épée a servi à les détruire. Il n’y a qu’un musée pour réconcilier deux éléments aussi contradictoires », déclara dans la presse l’historien Abderrahmane Ngaidé. Dans cet espace, les commissaires y présentent « l’appropriation des religions révélées » en particulier l’islam et le christianisme. Les images de la visite du Pape Jean Paul II au Sénégal en 1992 côtoient des versets extraits des écrits de saints ou encore des objets leur appartenant. « C’est sans doute le propre et le génie de ce musée : faire dialoguer et faire se rencontrer des éléments à priori dissemblables », a expliqué le journaliste Papa Adama Touré. « Le nouveau musée expose 500 pièces environ pour sa première. La capacité d’accueil de l’ensemble des salles est 18.000 œuvres d’art », révélait son directeur Hamady Bocoum, avant d’ajouter que musée n’a pas pour le moment vocation de détenir une collection permanente. Pour rappel, le Musée des civilisations noires (MCN) ouvre ses portes dans un contexte marqué par la question du retour des œuvres d’art autrefois pillées en Afrique. « C’est un projet panafricain. Il y aura une facette de chaque partie de l’Afrique », a souligné M. Bocoum, en assurant que le musée pourra accueillir des œuvres d’autres pays du continent moins bien dotés. Outre les événements qui s’y déroulent, on y admire une belle construction et une architecture pour le moins originales. En forme circulaire s’inspirant de la case à impluvium de la Casamance. Le Musée des civilisations noires étale toute sa beauté et sa grandeur. L’édifice est doté de galeries aux cloisons modulables, permettant d’adapter le lieu en fonction des événements. Un auditorium de 150 places a été prévu pour accueillir des séminaires et colloques. Au dernier étage, une terrasse ainsi qu’une galerie ouverte devraient servir de lieu de médiation culturelle.

Réalité

De Senghor à Sall en passant par Diouf et Wade ; le Musée des civilisations noires est un rêve de longue date devenu une réalité.

Le premier président sénégalais Léopold Sédar Senghor avait exprimé son souhait d’ériger le musée des Civilisations noires, au lendemain du Festival mondial des arts nègres organisé en 1966. Sans suite malheureusement. Le président Senghor avait même envoyé une dizaine d’étudiants se former à l’étranger. Mais, après quelques années, le Sénégal avait informé ces étudiants qu’ils pouvaient encore rester à l’étranger car le musée n’allait pas voir le jour de sitôt. C’est ainsi que des Sénégalais comme Éric Camara sont restés au Mexique jusqu’à présent.

Sous la présidence d’Abdou Diouf, le successeur de Senghor, on n’avait constaté aucune trace de la volonté de concrétiser l’idée d’un Musée des civilisations noires. D’ailleurs, ce régime avait supprimé le Musée Dynamique et affecté ses locaux à la Cour suprême en 1990. Pour rappel, le Musée Dynamique a abrité les prestigieuses expositions de Marc Chagall (1971) et de Pablo Picasso (1972).

Mais, c’est l’avènement de Wade au pouvoir en 2000 qui apparaît comme un déclic. Il tenait un projet dénommé les « 7 merveilles de Dakar » dont ce musée, formant un Parc culturel. C’est ainsi que le successeur d’Abdou Diouf, a négocié avec la Chine pour la réalisation du Grand théâtre national d’abord, et ensuite ; du Musée des civilisations noires. La pose de la première pierre se fait en 2011. Depuis, le musée est plus que jamais du concret.

Sept ans après la pose de la première pierre, le musée des civilisations noires, initié par Senghor avant d’être relancé et concrétisé par Wade, sortait enfin de terre. L’actuel président Macky Sall a, dès son arrivée au pouvoir, mis les bouchées doubles. Le 6 décembre 2018 une date marquée d’une pierre blanche en ce sens qu’elle symbolise la réussite d’un projet imaginé depuis l’indépendance du Sénégal. Entièrement réalisé par la Chine pour un coût de 20 milliards de francs CFA, l’édifice est doté des dernières innovations techniques et scénographiques. Il a fallu par exemple adapter les salles aux œuvres, souvent très fragiles et sensibles aux changements. « Ce musée fonde sa politique sur des partenariats avec d’autres institutions muséales à travers le monde », a indiqué Hamady Bocoum, le directeur.

 

                                                                         Pape NDIAYE

                                                                           Journaliste 

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