L’Afrique demeure l’un des principaux producteurs d’or au monde. Du Ghana au Mali, du Burkina Faso à la Tanzanie, le métal jaune jaillit des profondeurs de la terre africaine pour alimenter les marchés. Selon les estimations récentes, le continent produit plus de 600 tonnes d’or internationaux par an, soit près du quart de la production mondiale. Le Ghana occupe la première place avec environ 130 tonnes, suivi du Mali et du Burkina Faso, qui dépassent chacun les 60 tonnes annuelles.

Cette abondance devrait logiquement se traduire par une amélioration du niveau de vie des populations locales. Pourtant, la réalité sur le terrain montre un tout autre visage. Les richesses générées par ce secteur profitent très peu aux Africains, qui demeurent en marge d’un commerce international contrôlé par des puissances étrangères.

Dans la majorité des pays producteurs, l’exploitation industrielle de l’or est dominée par des entreprises étrangères, notamment canadiennes, australiennes, chinoises ou sud-africaines. Ces compagnies détiennent la quasi-totalité des grandes mines du continent. Au Mali, par exemple, plus de 80 % des exploitations aurifères appartiennent à des sociétés étrangères, tandis que l’État et les populations locales ne perçoivent qu’une infime part des bénéfices.

Les revenus tirés de l’or sont rapatriés vers les pays d’origine des multinationales. Les États africains, quant à eux, ne touchent souvent que 5 à 15 % des recettes globales sous forme de taxes et de redevances. Cette situation limite considérablement l’impact économique du secteur sur le développement national

Dans les régions minières, comme à Kayes au Mali, à Houndé au Burkina Faso ou à Kédougou au Sénégal, les habitants font face à des conditions de vie précaires. L’exploitation minière s’accompagne de pollution, de dégradations environnementales et parfois de déplacements forcés. Les produits chimiques utilisés dans l’extraction, comme le mercure ou le cyanure, contaminent les rivières et les sols, mettant en danger la santé des populations et la sécurité alimentaire.

Les promesses de développement local se concrétisent rarement. Peu d’infrastructures sont construites, les routes restent impraticables et les écoles insuffisantes. Dans plusieurs villages aurifères, les jeunes travaillent dans les mines pour survivre, tandis que les profits s’envolent à l’étranger. Les zones riches en or sont ainsi paradoxalement parmi les plus pauvres du continent.

Face au manque d’emplois et aux difficultés économiques, l’orpaillage artisanal s’est imposé comme une activité de survie pour des millions d’Africains. On estime que près de 20 millions de personnes vivent directement ou indirectement de cette activité, notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

Cependant, l’orpaillage artisanal reste largement informel et dangereux. Les conditions de travail sont précaires : absence d’équipements de sécurité, effondrements fréquents de galeries, utilisation de produits toxiques, et recours à la main-d’œuvre infantile. Malgré ces risques, cette activité représente pour beaucoup la seule source de revenus, permettant de nourrir des familles entières.

Toutefois, elle échappe en grande partie à la fiscalité des États, ce qui prive ces derniers de recettes importantes pouvant être réinvesties dans le développement local.

Le paradoxe du secteur aurifère africain est frappant : l’or enrichit les marchés mondiaux, mais appauvrit ceux qui vivent à proximité des mines. Pourtant, le potentiel du secteur pourrait être un véritable levier de développement si une meilleure gouvernance était mise en place.

Pour cela, il est nécessaire de renégocier les contrats miniers, d’accroître la part des revenus revenant aux États et aux collectivités locales, et d’investir dans les infrastructures sociales : écoles, hôpitaux, routes, réseaux d’eau et d’électricité. La formalisation de l’orpaillage artisanal est également une piste cruciale pour garantir de meilleures conditions de travail et un encadrement fiscal plus efficace.

Certains pays comme le Burkina Faso, le Mali ou le Sénégal ont déjà amorcé des réformes dans ce sens, mais les résultats restent encore limités face au poids économique des multinationales et aux enjeux politiques.

L’Afrique, riche en or, reste pauvre en retombées. Tant que la gestion du secteur minier ne placera pas les populations au cœur des priorités, le continent continuera d’être victime du paradoxe de l’abondance : un territoire regorgeant de ressources, mais où la misère persiste. L’enjeu pour les décennies à venir est clair : faire en sorte que l’or africain brille aussi dans la vie des Africains, et non seulement sur les marchés mondiaux.

 

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