Dans un continent en quête de stabilité économique et de transparence, un danger silencieux mine les fondations financières de plusieurs États africains : la dette cachée. Derrière des chiffres officiels souvent rassurants se dissimulent des engagements occultes, des garanties secrètes et des emprunts non déclarés qui fragilisent les économies et compromettent la confiance des citoyens comme des bailleurs de fonds.

Dans les rapports économiques officiels, les chiffres de la dette publique sont souvent présentés comme des indicateurs clairs de la santé financière d’un État. Pourtant, derrière ces statistiques se dissimule une réalité beaucoup plus complexe, souvent passée sous silence : celle des dettes cachées. Ces engagements non déclarés ou dissimulés constituent aujourd’hui un véritable danger pour la stabilité économique de nombreux pays, en particulier en Afrique, où la transparence budgétaire demeure encore fragile.

La dette cachée désigne l’ensemble des engagements financiers contractés par un État, une entreprise publique ou une collectivité territoriale, mais qui ne figurent pas dans les statistiques officielles de la dette publique. En d’autres termes, ce sont des dettes non enregistrées, mal comptabilisées ou parfois volontairement dissimulées.

Elles peuvent provenir de plusieurs sources. D’abord, les garanties non déclarées : il arrive que l’État accorde des garanties à des entreprises publiques ou privées pour obtenir des emprunts auprès des banques ou des institutions internationales, sans que ces engagements soient rendus publics. Ensuite, il y a les emprunts contractés par des entités publiques — sociétés nationales, offices, agences ou collectivités locales — sans l’autorisation préalable du ministère des Finances ou sans être inscrits au budget national. À cela s’ajoutent les arriérés de paiement accumulés par l’État envers ses fournisseurs, qui finissent par se transformer en dettes réelles mais invisibles. Enfin, certaines dettes issues de contrats opaques — notamment dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie ou des ressources naturelles — sont parfois cachées derrière des accords confidentiels ou des montages financiers complexes.

Les dettes cachées constituent un risque majeur pour la transparence budgétaire et la crédibilité d’un État. Lorsqu’elles ne sont pas déclarées, elles donnent une image fausse de la situation économique : le gouvernement peut afficher un taux d’endettement apparemment raisonnable, alors que le pays est en réalité beaucoup plus exposé.

Le danger se manifeste pleinement lorsqu’une crise éclate. À ce moment, les dettes dissimulées refont surface et les partenaires financiers découvrent l’étendue du problème. Cette perte de confiance peut entraîner une chute brutale de la monnaie nationale, une hausse du coût de l’emprunt et même la suspension de l’aide internationale.

L’exemple le plus marquant en Afrique reste celui du Mozambique, plongé en 2016 dans une grave crise économique à la suite de la révélation de plus d’un milliard de dollars de dettes cachées contractées par des entreprises publiques, avec la garantie secrète de l’État. Cette découverte a provoqué la suspension de l’aide du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres bailleurs de fonds, entraînant une récession, une inflation galopante et une forte dégradation des conditions de vie des populations.

Le cas du Mozambique n’est pas isolé. Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, les dettes cachées résultent de la faiblesse des contrôles budgétaires et de la mauvaise gouvernance financière. Les entreprises publiques, souvent mal encadrées et gérées dans l’opacité, contractent des prêts bancaires pour financer leurs activités, parfois avec la complicité tacite de responsables politiques.

Les institutions financières internationales, comme le FMI et la Banque mondiale, alertent régulièrement sur les risques liés à cette pratique. Selon leurs rapports, près d’un tiers des pays africains présentent des signes de vulnérabilité liés à des engagements financiers non déclarés. Cette situation compromet gravement la soutenabilité de la dette et menace la stabilité macroéconomique de tout le continent.

Au-delà de l’aspect économique, la dette cachée a des répercussions politiques et sociales profondes. Elle érode la confiance des citoyens envers leurs dirigeants, car elle symbolise souvent le manque de transparence et la corruption. Les fonds issus de ces dettes occultes sont parfois détournés à des fins personnelles ou électorales, alimentant le sentiment d’injustice et la défiance vis-à-vis de l’État.

Sur le plan social, les conséquences sont directes : lorsque les finances publiques se retrouvent asphyxiées par des dettes non maîtrisées, les budgets destinés à l’éducation, à la santé ou aux infrastructures sont réduits. Les populations en paient alors le prix à travers la hausse du coût de la vie, le chômage ou la dégradation des services publics.

Face à cette menace, plusieurs réformes sont nécessaires pour assainir la gestion des finances publiques. Les experts recommandent avant tout un renforcement du contrôle budgétaire et de la coordination entre le ministère des Finances, les entreprises publiques et les collectivités locales. Il est également indispensable d’imposer la publication régulière et détaillée de toutes les dettes, y compris celles contractées par des entités parapubliques.

La transparence doit devenir une règle, et non une option. L’audit régulier des finances publiques, la numérisation des budgets et la participation citoyenne dans le suivi des dépenses publiques sont autant de leviers essentiels pour prévenir l’accumulation de dettes dissimulées. Enfin, une meilleure gouvernance des entreprises publiques s’impose : ces structures doivent rendre des comptes et fonctionner selon des normes claires et rigoureuses.

La dette cachée n’est pas une simple anomalie comptable. Elle est le symptôme d’un dysfonctionnement plus profond : le manque de transparence et de responsabilité dans la gestion publique. En Afrique, où de nombreux pays cherchent à attirer les investisseurs et à renforcer la confiance des bailleurs de fonds, la dissimulation des dettes est un frein majeur au développement.

Révéler, encadrer et maîtriser ces dettes invisibles est donc une priorité absolue pour garantir une économie saine, durable et équitable. Car une nation ne peut bâtir un avenir solide que sur des chiffres sincères et une gouvernance honnête.

 

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