Paru le 27 avril 2025 chez Falcon Éditions, “La Longue Marche de Mahaalé” d’Aidara Talibouyé (Chérif Aidara) s’impose comme une œuvre majeure de la littérature africaine contemporaine. À la croisée du récit de voyage, de la méditation spirituelle et du témoignage intime, le livre explore les thèmes de l’exil, de l’identité et du rapport aux origines avec une profondeur rare.

Dès les premières lignes, l’auteur installe le ton de cette traversée poétique et douloureuse. « J’ai quitté Mahaalé un matin sans me retourner. Mais chaque pas que je croyais m’éloigner de la terre rouge m’y ramenait un peu plus. » Cette phrase, d’une beauté simple, résume à elle seule tout le paradoxe du départ : partir, c’est aussi revenir à soi. Mahaalé n’est pas seulement un lieu géographique — c’est une métaphore de la maison intérieure, de la mémoire et du lien qui unit l’homme à sa terre, même dans l’absence.

À travers ce récit, Aidara interroge ce que signifie appartenir. L’exil y est autant géographique que spirituel ; la route devient une prière, un espace de questionnement. « La route n’a pas de fin, écrit-il. Elle s’étire comme une prière sans réponse, et chaque halte n’est qu’un détour du destin. » Dans ces mots, on sent la douleur du déracinement, mais aussi la beauté du mouvement, la dignité d’un peuple en marche vers son destin.

La “longue marche” de Mahaalé devient ainsi le symbole d’une Afrique qui avance, entre mémoire et modernité. Les villages se vident, les villes s’emplissent, les langues se croisent — et pourtant, l’écho du passé demeure. « Dans les capitales, les visages se croisent mais ne se parlent pas. J’y ai cherché Mahaalé dans les reflets des vitrines — je n’y ai trouvé que mon ombre. » L’auteur dépeint cette tension entre le monde ancien et le nouveau, entre les racines et les mirages urbains.

Le livre se distingue aussi par son style contemplatif, presque mystique. Chaque phrase semble marcher à pas lents, chargée de poussière et de silence. On y entend la voix des anciens, les murmures du vent du Sahel, la sagesse d’une Afrique qui refuse d’oublier. « Nos pères nous ont appris à écouter le vent. Mais le vent ne parle plus aux enfants pressés de partir. » Cette parole, à la fois douce et sévère, sonne comme un avertissement : dans la fuite vers l’ailleurs, le risque est grand de perdre ce qui nous fonde.

Mais La Longue Marche de Mahaalé n’est pas un texte nostalgique. C’est avant tout une œuvre de transmission et d’espérance. Aidara écrit pour ceux qui n’ont pas eu le temps de raconter, pour ceux dont la mémoire s’efface sous le poids du silence. « J’ai écrit ce livre pour ceux qui n’ont pas eu le temps de dire. Mahaalé n’est pas un lieu : c’est la voix que nous avons perdue. »

Ainsi, la marche devient une métaphore de la vie elle-même : lente, incertaine, mais porteuse de sens. Le lecteur, emporté par cette prose à la fois simple et méditative, comprend peu à peu que ce voyage n’est pas celui d’un homme seulement, mais celui d’un peuple tout entier — un peuple qui marche pour ne pas disparaître.

Dans un monde où les frontières se ferment et où les mémoires s’effritent, le message d’Aidara résonne comme un appel : ne pas cesser de marcher, ne pas cesser de se souvenir. « Peut-être que la route ne mène nulle part, écrit-il. Mais marcher, c’est déjà résister à l’oubli. »

“La Longue Marche de Mahaalé” est plus qu’un livre : c’est un souffle. Une œuvre de lucidité et de foi, une méditation sur la perte et la renaissance, sur ce que signifie être en route — vers les autres, vers le monde, vers soi-même.

 

 

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