La tuberculose reste aujourd’hui l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières au monde, et le Sénégal n’échappe pas à ce fardeau. Malgré des avancées réelles dans la lutte contre ce mal ancien, le pays fait face à des défis majeurs qui empêchent une éradication durable.

Selon les dernières données du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), le Sénégal enregistre chaque année près de 20 000 nouveaux cas. En 2024, 17 286 cas ont été officiellement notifiés, dont 80 % étaient des formes contagieuses. Le taux d’incidence s’élève à environ 110 cas pour 100 000 habitants, ce qui place le Sénégal parmi les pays à charge intermédiaire dans la sous-région ouest-africaine.

Si les progrès sont notables – avec un taux de guérison de 89,4 %, très proche de l’objectif international de 90 % fixé pour 2030 –, un constat demeure préoccupant : un tiers des malades échappent encore au système de santé. Ces personnes, non diagnostiquées ni traitées, constituent un réservoir de transmission qui alimente la persistance de la maladie au sein des communautés.

Les régions les plus touchées sont Dakar, Thiès, Diourbel, Kaolack, Saint-Louis et Ziguinchor, des zones densément peuplées où la promiscuité, les difficultés économiques et parfois les mouvements migratoires favorisent la propagation.

La lutte contre la tuberculose au Sénégal est entravée par plusieurs facteurs. Le premier est le sous-financement chronique de la santé publique, qui limite la capacité de dépistage, le suivi des malades et la sensibilisation communautaire. Ensuite, la stigmatisation sociale reste un frein majeur : beaucoup de personnes associent encore la tuberculose à la pauvreté, à la négligence ou même à une honte familiale, ce qui pousse certains patients à cacher leur état de santé.

À cela s’ajoute le problème du retard dans le diagnostic. Une étude récente menée dans le district sanitaire de Fatick a révélé que plus de 76 % des patients présentaient un retard de diagnostic. Ce retard est lié à plusieurs facteurs : l’éloignement géographique des structures de santé, le manque de moyens de transport en zones rurales, mais aussi la faible sensibilisation aux symptômes de la maladie (toux persistante, fièvre, sueurs nocturnes, perte de poids). Dans certaines zones rurales, moins d’un tiers des ménages ont un accès régulier à un centre de santé.

Un autre défi est la tuberculose multirésistante (TB-MR), qui apparaît lorsque les traitements sont mal suivis. Plus difficile et plus coûteuse à traiter, cette forme représente une menace croissante, même si elle reste encore limitée en nombre de cas par rapport aux formes classiques.

Malgré ces obstacles, le Sénégal a mis en place des stratégies encourageantes. Les traitements antituberculeux sont gratuits et disponibles dans la majorité des structures sanitaires publiques. Des campagnes de sensibilisation sont régulièrement menées pour inciter au dépistage et réduire la stigmatisation.

Le rôle des associations et des relais communautaires est également crucial. L’association Help Tb, par exemple, accompagne les patients à travers un suivi médical, un soutien nutritionnel et parfois une aide financière pour les plus démunis. Pour les cas de tuberculose multirésistante, un appui mensuel est fourni afin de garantir la continuité du traitement, souvent long et éprouvant.

Le Sénégal bénéficie aussi du soutien d’organisations internationales. L’ONG allemande DAHW (Deutsche Lepra- und Tuberkulosehilfe) a investi environ 1 milliard de francs CFA en 2021 pour renforcer la lutte contre la tuberculose dans le pays, notamment à travers des projets de prévention, de dépistage et de formation du personnel soignant.

Au-delà des chiffres, la tuberculose est une maladie sociale. Elle frappe souvent les populations les plus vulnérables : les familles vivant dans la pauvreté, les personnes en situation de promiscuité, les travailleurs migrants, mais aussi les personnes immunodéprimées, notamment celles vivant avec le VIH.

Lutter contre la tuberculose, ce n’est donc pas seulement distribuer des médicaments : c’est aussi améliorer les conditions de vie, faciliter l’accès à une alimentation correcte, renforcer l’éducation sanitaire et investir dans des infrastructures de santé de proximité.

Le Sénégal a parcouru un long chemin dans la lutte contre la tuberculose. Grâce à la gratuité des soins, à l’engagement communautaire et à l’appui de ses partenaires, il a réussi à améliorer significativement son taux de guérison. Mais les défis restent nombreux : détecter davantage de cas, réduire les retards de diagnostic, combattre la stigmatisation et prévenir l’émergence des formes résistantes.

La tuberculose est un fléau silencieux : elle ne fait pas autant de bruit médiatique que d’autres maladies, mais elle continue de tuer et d’appauvrir des familles entières. Pour espérer l’éliminer, il faudra conjuguer volonté politique, mobilisation sociale et solidarité internationale.

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