L’émigration clandestine constitue l’un des défis sociaux, économiques et humanitaires majeurs au Sénégal. Chaque année, des centaines de jeunes, poussés par le désespoir et l’illusion d’un avenir meilleur, tentent la traversée périlleuse de l’Atlantique vers l’Europe, souvent au péril de leur vie.
L’émigration irrégulière ne naît pas du vide. Elle est le fruit d’un cocktail explosif de facteurs économiques, sociaux et parfois politiques. Le chômage des jeunes, qui touche plus de 15 % de la population active selon les données officielles, en est l’un des moteurs principaux. Beaucoup de diplômés peinent à trouver un emploi correspondant à leurs compétences, et les inégalités sociales accentuent ce sentiment d’exclusion.
Par ailleurs, la perception d’un « eldorado européen » continue d’alimenter les rêves des jeunes. Les récits embellis de ceux qui ont réussi à s’établir en Europe, parfois au prix de lourds sacrifices, renforcent cette aspiration collective.
La route maritime vers les îles Canaries, bien que redoutablement dangereuse, est l’une des plus empruntées par les migrants clandestins sénégalais. Les pirogues, souvent surchargées et mal équipées, partent de la côte sénégalaise sous le couvert de la nuit. Beaucoup de ces embarcations ne parviennent jamais à destination, englouties par les vagues ou interceptées.
Des organisations humanitaires tirent régulièrement la sonnette d’alarme : les pertes en vies humaines sont tragiques et fréquentes. En 2023, des dizaines de corps ont été retrouvés sur les plages du Sénégal, témoins silencieux d’un drame humain récurrent.
Face à l’ampleur du phénomène, les autorités sénégalaises ont mis en place plusieurs initiatives, notamment des campagnes de sensibilisation, des projets de réinsertion pour les migrants rapatriés, et des accords de coopération avec des pays européens. De plus, en septembre 2024, le président Bassirou Diomaye Faye a annoncé la mise en place imminente d’un numéro vert destiné à encourager les citoyens à signaler les filières de migration illégales et les passeurs Cependant, ces efforts restent souvent insuffisants sans une véritable transformation des conditions économiques locales. Mais avec le projet Sénégal vision 2050 sur l’entrepreneuriat, la formation professionnelle, et la promotion de l’agriculture moderne sont des pistes sérieuses qui vont créer des opportunités sur place et freiner l’exode.
Certaines associations locales, avec le soutien de la diaspora, mènent également des actions de terrain pour offrir des alternatives viables aux jeunes, en investissant dans l’éducation, les microprojets et la conscientisation.
Il est essentiel de déconstruire le mythe de l’Occident comme unique voie vers la réussite. Cela passe par l’éducation, la valorisation des initiatives locales, et la mise en avant de modèles de réussite ancrés dans le territoire national. La jeunesse sénégalaise, dynamique et créative, mérite des opportunités à la hauteur de ses aspirations.
L’émigration clandestine n’est pas seulement une tragédie humaine : c’est aussi le symptôme d’un système à réinventer. Il est temps de bâtir un Sénégal où l’on peut rêver, réussir et s’épanouir… sans risquer sa vie au large de l’Atlantique.